EDITORIAUX 2002

Novembre 2002
Aimer le travail !

La planète entière est au travail ou souhaite travailler. Car du travail chacun sait qu’il retirera des bienfaits pour soi-même et les siens : niveau de vie, éducation, sécurité. On travaille donc avec ardeur dans les pays pauvres, quand on en a la chance ; on travaille beaucoup, désormais, dans les pays de l’Est. L’intensité et la qualité du travail génèrent des investissements, induisent des projets, favorisent les prises de risque par les personnes et les nations. L’Europe y vient doucement…
D’un autre côté, les menaces s’aggravent, elles aussi à l’échelle planétaire. Tandis que le terrorisme occupe tous les esprits, nous savons qu’il n’a pas le monopole des risques et que d’autres peuvent se manifester, sans que nous sachions quand, comment et où : par exemple, les effets du réchauffement de la Terre. Avec des conséquences elles aussi imprévisibles. Ainsi ressurgit l’ancien et terrible spectre du chaos.
Le travail, est un réducteur de menaces. Il apaise les tensions – celles qu’il suscite lui-même ne sont pas du même ordre. Il exerce sur la société humaine, à tous les niveaux, un effet d’intégration que ses formes modernes accentuent encore. Il mobilise l’intelligence, l’imagination créatrice, la mobilité intellectuelle et physique qui sont ce qu’il y a de plus humain en l’homme. Il est la chance que chacun peut saisir. Le travail génère des anticorps – pas tous, évidemment – au désordre et au chaos.
Si nous voulons maîtriser notre avenir, le travail est le seul moyen qui nous soit offert. Ceux qui travaillent sauront s’adapter, les autres seront bousculés. Ce n’est pas un hasard si la productivité du travail ne cesse de croître aux Etats-Unis et au Canada. Le travail, c’est la volonté de prendre en main son avenir et d’écarter les menaces, quelles qu’elles soient.
Car c’est quand on aime le travail qu’on trouve les bonnes solutions. Il est donc très important de veiller au développement du travail, en quantité – problème pour les économies sans croissance – et plus encore en qualité. La qualité, ici, induit la quantité : les marchés s’organisent d’abord autour des acteurs capables de produire de la qualité. Mais il y faut des efforts que, malgré bien des incantations, nous semblons méconnaître…
Effort pour compenser les défaillances du système éducatif et les négligences d’employeurs, adapter des évolutions technologiques qui tendent à conjuguer les activités nobles et à dissocier les autres, valoriser les compétences et promouvoir le développement des personnes, de toutes les personnes.
Effort portant sur la vie au travail, encore trop marquée par l’ennui, la fragmen-tation des tâches, l’isolement des personnes, les vexations hiérarchiques… tous éléments qui font obstacle au progrès des organisations et à l’amélioration de la productivité, notamment dans les services.
Effort concernant la place du travail dans la vie, certainement pas dans les termes convenus de la réduction de la durée du travail, mais dans la recherche d’une meilleure conjugaison du travail et des autres expressions de la vie dans une société complexe.
Effort évidemment aussi pour écarter les abus : respecter le non-travail lorsqu’il est souhaité et les formes non conventionnelles que le travail peut revêtir, par exemple chez les artistes ; lutter contre les scandales, qu’ils aient trait au travail des enfants, au racisme ou au retour possible dans les services du taylorisme ; protéger les faibles dans la dureté des situations concurrentielles ; éviter de dissocier la question du travail de celle de sa rémunération.
En résumé, dites-moi la (vraie) qualité du travail dans votre cadre professionnel ou dans votre pays, et je vous dirai si vous vivez dans une forteresse prête à succomber ou si, au contraire, l’adversaire ne pourra rien contre le courage des défenseurs.
Aimons le travail !

Armand Braun

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