EDITORIAUX 2002
 

Décembre 2002
Saluer la nouvelle Europe !

L’adhésion à l’Union européenne de dix nouveaux Etats représente bien plus qu’un événement politique. C’est un tournant dans l’histoire de l’Europe, qui sait, dans l’histoire du monde. L’avenir lointain devrait le reconnaître, au-delà des péripéties de l’avenir proche.
Sur ce tournant, beaucoup a été écrit. Mais rien ne nous paraît plus approprié, parmi tout ce qu’il nous a été donné de voir, que l’article dans El País, de Madrid, de Jorge Semprún. Cet article, repris par Courrier International du 12 décembre 2002, a certainement été beaucoup remarqué. Tout aussi certainement, sa singulière qualité et sa signification n’ont pas été soulignées autant qu’il serait juste. Que nous dit le titre : « Que signifie pour moi d’être européen ? »
Jorge Semprún entreprend trois voyages intellectuels afin de tenter d’aborder la réalité de l’Europe d’un point de vue culturel et historique.

Prague : « L’héroïsme de la raison » d’Edmund Husserl
En mai 1935, à Vienne, Edmund Husserl donne une conférence intitulée « la crise de l’humanité européenne et la philosophie ». A la question : que représente l’Europe aujourd’hui? il répond que : l’Europe est surtout une entité spirituelle et qu’elle n’est pas liée à un territoire. L’Europe, c’est d’abord une longue tradition de pensée, de critique au sens large, qui puise ses racines dans notre histoire culturelle. Il plaide en faveur de « l’héroïsme de la raison », alors que les nuées de la guerre et du totalitarisme encombrent déjà le ciel de l’Europe. Parmi ses auditeurs, un jeune étudiant tchèque, Jan Patocka : il sera beaucoup plus tard l’un des signataires de la Charte 77, le mouvement des intellectuels tchécoslovaques. Il meurt après un interrogatoire de la police communiste. Le jour de son enterrement, les autorités ont fait fermer tous les fleuristes de Prague pour que personne ne puisse porter des fleurs sur sa tombe.

Weimar et Buchenwald : l’Europe contre l’Europe
A Weimar, après un arrêt à la résidence d’été de Goethe, on peut aller consulter les archives de Schiller ou de Nietzsche. A proximité se situe aussi l’ancien camp nazi de Buchenwald. Cette proximité est un raccourci. Dans les années 20, l’Allemagne tenta de créer à Weimar une pépinière de démocratie parlementaire. Aujourd’hui, nous pouvons entrevoir ce que signifie, bien au-delà des spécificités de l’Allemagne, l’Europe : un rempart édifié contre le fascisme et le stalinisme.

Londres : Orwell redécouvre la démocratie
Nous sommes heureux de retrouver dans ce texte le profil d’Orwell, dont nous avons souligné l’extrême importance dans notre éditorial de septembre 2002 L’unité européenne ne peut être fondée que sur la raison démocratique, sur les principes de la démocratie et la solidité de ses valeurs. Les principes d’Orwell, universalistes et démocratiques, peuvent s’appliquer de nombreuses manières aux valeurs locales. C’est ainsi, à travers la diversité, que réussira la nouvelle Europe.

Armand Braun

 

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