EDITORIAUX 2006

Janvier 2006
Prospective de l’Ile-de-France : le scénario réaliste

C’est en 2007, voire dès 2006, que la stagnation démographique francilienne deviendra apparente. Trois phénomènes, jusqu’à présent déniés, vont se manifester simultanément : la diminution de la population totale, qui pourrait très vite retomber à 11 millions d’habitants ; celle de la population active ; celle enfin des jeunes*.

Ces phénomènes, évidents en prospective, vont engager une spirale d’effets négatifs. Ceux auxquels on pense : impact sur l’emploi, sur les revenus, sur les ressources et l’endettement ainsi que sur les plans des collectivités publiques. Ceux que l’on méconnaît : par exemple, quand les jeunes deviennent moins nombreux, ils deviennent aussi moins mobiles ; alors que l’Ile-de-France a longtemps assuré son développement grâce aux jeunes provinciaux, non seulement ceux-ci viennent de moins en moins, mais ce sont de plus en plus les jeunes Franciliens qui s’en vont en province.

La situation d’ensemble de l’Europe, telle qu’elle pourrait évoluer au cours des prochaines années (avec, notamment, la généralisation des pénuries de compétences), ne peut qu’amplifier le phénomène.

L’Ile-de-France aura, dans ces conditions, beaucoup de mal à concrétiser les ambitions qu’elle affirme.

Tels sont les faits, que connaissent également d’autres métropoles en Europe. Pourtant, leur situation d’ensemble est meilleure. Où réside la différence ?

Toutes les grandes métropoles européennes, soucieuses de prospective, se sont dotées d’une structure unitaire qui leur permet de mettre en œuvre, à leur échelle spécifique, des stratégies de développement globales. De ce fait, elles sont en mesure de gérer leurs enjeux collectifs et de mobiliser les ressources pour y faire face .

Nous n’avons pas, à l’échelle pertinente, qui est celle de Paris-10 millions d’habitants, une telle structure : la Région Ile-de-France est en charge de vastes espaces ; quant aux collectivités installées sur le territoire de la métropole, leurs élus focalisent naturellement leurs efforts, sans qu’on puisse le leur reprocher, sur la vie et les problèmes des grands « villages » – du plus vaste ou du plus riche des départements à la plus petite ou la plus modeste des communes – dont ils ont la responsabilité. Leur regard stratégique se porte sur le terrain, ce qui est essentiel (on l’a vu au cours des événements de novembre), mais il subit l’environnement mondial, en perçoit les menaces sans pouvoir tirer parti des possibilités nouvelles que celui-ci propose. Ce handicap stratégique explique où nous en sommes aujourd’hui et prépare des lendemains difficiles.

La mise en place d’une vraie responsabilité de développement de l’agglomération parisienne ne résoudrait pas tout. Et le développement est d’abord l’affaire des acteurs économiques. Le problème, c’est que, personne n’étant à la manœuvre, l’agglomération ne peut créer l’élan vital et solidaire dont les autres acteurs ont besoin. Elle est désarticulée en termes stratégiques et prospectifs, ses différentes composantes ne pouvant s’entendre que pour édicter, au mépris des faits, des prévisions rassurantes.

Fait nouveau : désormais, les Parisiens, les Franciliens sont au courant et vont, pour des raisons existentielles, privilégier des stratégies globales à l’échelle de Paris-10 millions d’habitants.

C’est la raison pour laquelle le scénario réaliste n’est peut-être pas inéluctable. En ce début d’année, nous nous voulons optimistes !

Armand Braun

* Ces propositions se fondent sur les travaux de G. Coomans (Atlas of prospective labour supply, www.geolabour.com) qui portent jusqu’en 2020 et qui, à la différence de ceux de l’INSEE, ne se satisfont pas d’extrapoler les tendances des 20 années passées.

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