EDITORIAUX 2007

Juin 2007
Prospective de la protection sociale familiale

Les Français disposent de patrimoines dont l’ampleur est sans commune mesure avec le budget de l’Etat ou même les revenus du travail. Ces ressources sont pour l’essentiel gelées dans des possessions immobilières, confiées à des institutions financières, parfois dilapidées, souvent dormantes : l’assurance vie et les Sicav ont pris la place du bas de laine.

Ils auraient intérêt à consacrer une toute petite partie de ces sommes immenses à s’organiser pour conforter leur protection sociale, en créant des Associations de solidarité familiale. De quoi s’agit-il ?

Sur la base du volontariat, les membres d’une famille, classique ou recomposée, toutes générations réunies, créent entre eux une Associations de solidarité familiale. Celle-ci constitue un capital, qui générera les ressources à partir desquelles on aidera des membres du groupe à avancer dans la vie (éducation, formation…) ou à surmonter des épreuves (maladie, chômage, dépendance…).

Il s’agit d’un engagement de longue durée : le capital est constitué à fonds perdu, personne ne peut prétendre le récupérer. Les membres de l’Association sont égaux en droits, indépendamment de leur contribution initiale. Un statut public les protège d’abus éventuels.

Les modalités de versement des prestations sont prédéfinies, entre autres pour gérer les conflits éventuels. Par contre, les bénéficiaires ne le sont pas : les prestations seront accordées à un ou plusieurs membres de l’Association quand le besoin s’en fera sentir, dans la limite des ressources disponibles.

Le capital provient des patrimoines familiaux : 90 % des Français seraient en mesure de participer à la constitution d’une Association de solidarité familiale. Pas tous à la même hauteur, évidemment, mais la démarche aurait pour tous la même signification (« prendre en charge nous-mêmes, ensemble, dans la durée, des responsabilités de protection sociale pour notre famille »). Ils peuvent se faire assister par une banque ou une compagnie d’assurances, mieux à même, en général, de mettre en œuvre une stratégie opérationnelle et pour lesquelles les Associations de solidarité familiale constitueraient un immense marché nouveau. Mais ils resteront les maîtres de la manœuvre.

En l’absence de patrimoine familial, une dotation versée par un acteur public au titre de la solidarité nationale pourrait le remplacer. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’effort à réaliser est d’autant plus à portée qu’il s’agit de capitaliser dans la longue durée des sommes qui, au nom des bénéficiaires, resteraient inscrites dans un livre public.

Tant que l’on compte uniquement sur la Sécurité sociale, il n’est pas facile de comprendre l’intérêt des Associations de solidarité familiale. Certes, la Sécurité sociale est et restera indispensable. Mais c’est une vieille dame qui a beaucoup de problèmes. Elle n’est pas en mesure d’accompagner l’évolution des attentes, comme on l’observe par exemple à propos de l’exclusion. Son architecture technique repose pour l’essentiel sur les revenus du travail, ce qui était justifié en son temps et ne l’est plus aujourd’hui. Après une soixantaine d’années de bons et loyaux services, elle a besoin d’être repensée et relayée.

Il est temps de préparer les conditions de la complémentarité entre un grand système public et une multitude d’associations dédiées à la solidarité de proximité.

Pour de nombreuses raisons, il y a urgence.

La situation de la Sécurité sociale impose de nouvelles ouvertures, même si les résultats ne se feront pas sentir tout de suite. Et il faut du temps – au moins dix ans – pour que les sommes capitalisées par les Associations commencent à générer des intérêts suffisants.

Mais les Associations de solidarité familiale apportent une réponse à une attente majeure de la société civile : prendre sa part de responsabilité dans sa propre protection sociale ; le faire dans les termes qui sont les siens, et ce pour la longue durée ; elles représentent avant tout un processus pédagogique.

Armand Braun

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