EDITORIAUX 2007

Septembre 2007
Prospective de l’habitat urbain

Il ressort de la récente conférence des Nations Unies pour l’Habitat que l’humanité continue de se précipiter dans les villes. Chaque année, la population des zones urbaines augmente de 80 millions de personnes : l’équivalent des Pays-Bas et de la Belgique réunis. L’année 2007 marque un tournant historique : désormais, à l’échelle de la planète, les citadins (plus de 3 milliards) sont plus nombreux que les ruraux (environ 3 milliards). Et le processus n’est pas près de s’arrêter : dans vingt ans, 5 milliards des 8 milliards de Terriens habiteront en ville.

La surpopulation des bidonvilles se poursuit au même rythme : 35 000 nouveaux habitants rejoignent les favelas du Brésil tous les mois ; on prévoit 2 milliards d’habitants des bidonvilles dans 20 ans.

L’ONU dresse un tableau très sombre : 5 % seulement des équipements nécessaires sont à l’étude, trop de ressources vont aux projets monumentaux qui plaisent tant aux dirigeants. Des idées sont avancées, comme un serment d’Hippocrate pour les urbanistes avec l’intégration des exclus à toutes les phases de l’aménagement ou la création d’un corps international de « para architectes », constitué de professionnels prêts à consacrer leurs années de jeunesse ou de retraite à l’habitat des plus pauvres…

Le problème, c’est que ce diagnostic est trop tranché et laisse de côté des aspects essentiels.

Il est trop tranché : en bref, disons qu’il s’inscrit dans la continuité des sombres prévisions émises depuis des décennies, par les agences de l’ONU notamment : la pauvreté va se généraliser ; la famine est pour demain matin ; entre le nord et le sud de la planète, le fossé économique va se creuser… On sait ce qu’il en est.

Il laisse de côté des aspects essentiels. Aujourd’hui, comme depuis toujours, c’est l’aspiration à la liberté individuelle qui, avant même la recherche du travail et l’espoir de promotion sociale pour eux-mêmes et leurs enfants, reste le premier moteur de la migration des ruraux vers la ville. L’analyse historique montre, au-delà des situations catastrophiques que l’on observe, que ce pari est gagné par beaucoup.

La pensée officielle sur l’aménagement urbain des mégapoles ne sait plus appréhender la réalité des situations dans les pays du sud. Le doyen de l’Ecole d’aménagement et d’architecture de Delhi disait à la Conférence : «le planning urbain est une profession fossilisée, il est urgent de former sur d’autres bases, avec d’autres professeurs, une nouvelle génération d’aménageurs ».

Notre point de vue : il manque l’approche prospective, donc globale et tournée vers l’avenir, que ces situations imposent. Les décisions sont le fait de collections de spécialistes, le souci de l’avenir et l’écoute des gens en sont absentes, les petites querelles territoriales et les intérêts politiques du moment les imprègnent. Pourtant, quoiqu’on en dise, quelle que soit l’influence des nostalgiques d’un âge d’or agrarien qui n’a jamais existé, l’avenir appartient à la ville. Lieu de tous les problèmes, elle est aussi le lieu de toutes les solutions.

Pour en revenir à notre environnement immédiat, dans le pourtour de nos grandes villes, où en serions-nous si les grands projets, pertinents mais qui requièrent des décennies, n’étaient pas accompagnés par le désordre créateur de la vie ?

Armand Braun

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