EDITORIAUX 2009

Février 2009
La crise à trois temps…

Il y a quelque chose d’exemplaire dans le combat engagé partout contre la crise. L’histoire économique montre que la crise de 1929 a été gérée par chaque pays de manière tout à fait individualiste, selon des inspirations souvent contradictoires. L’ambiance était celle des années 1930, dominées par les idéologies et la haine, marquées par les clameurs de pays totalitaires et le pressentiment chaque jour plus fort qu’une nouvelle guerre mondiale était inévitable.

La crise aujourd’hui est une valse à trois temps.

Premier temps

Le monde entier se mobilise. Les nations européennes agissent en concertation. Une certaine coordination se fait jour à l’échelle planétaire, dans laquelle les institutions internationales jouent leur rôle. Six milliards d’hommes sont animés par la volonté de se prendre en main, de travailler, de se responsabiliser et d’inventer. Dans six mois, dans un an, le bout du tunnel devrait apparaître. Dans un monde certes affaibli, mais libéré de la bulle financière et dont l’unité se trouvera renforcée, l’activité repartira, la crise aura été surmontée grâce à la vigueur de toutes les initiatives.

Deuxième temps

La multiplicité des désastres semble nous conduire vers une crise profonde, globale, peut-être durable et dramatique ; le chômage et la misère de masse ; des Etats endettés et incapables de trouver de nouvelles ressources au point que le keynésianisme à la mode redeviendra un thème pour universitaires ; l’apparition de nouveaux démagogues, cette fois équipés pour s’adresser à la planète… Nul n’ose envisager publiquement cette perspective, tant sont épouvantables les menaces qu’elle porte.

Troisième temps

En arrière-plan de la crise, le changement d’époque. Ce phénomène reste invisible ; l’évoquer, c’est provoquer des haussements d’épaules ; il n’y a que dans le domaine de l’environnement qu’on y croit. Mais il est global. Il ne peut être mieux résumé qu’en termes de yin et de yang : il nous contraint à tout repenser, il nous donne la chance de tout repenser.

Dans quelque temps, il serait regrettable d’avoir à se dire : « si nous y avions pensé il y a six mois, il y a un an, nous aurions peut-être pu faire des choses que nous ne pouvons plus faire aujourd’hui ». La question concerne tout le monde, les Etats, les entreprises et autres organisations, les personnes et tous les groupes humains. Par exemple : s’assurer que le protectionnisme auquel beaucoup aspirent en ce moment ne nous exclura pas demain de l’irrésistible mouvement d’unification de la planète ; ne pas se confiner dans une seule interprétation – économique – de ce qui se passe, nous imposer d’accorder une importance égale aux autres facteurs qui nous permettront peut-être d’élaborer des vues plus globales et opérationnelles ; relire Schumpeter, dont les écrits avaient trait à d’autres temps difficiles.

Ce qui différencie la crise des trois temps de la valse du même nom, c’est que les pas de danse s’enchaînent les uns aux autres, alors que face à la crise il faut préparer simultanément les trois temps.

Armand Braun

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