EDITORIAUX 2010
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Mars 2010 M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, déclarait récemment auMonde : « je perçois une société qui se fragmente, où le chacun pour soi remplace l’envie de vivre ensemble, où l’on devient de plus en plus consommateur de République plutôt que citoyen. » Il remarquait le profond désarroi d’une grande partie de la population, la pauvreté qui se répand, l’absence d’espérance collective. Nous ne pouvons qu’adhérer à cette analyse. Mais nous nous permettons de présenter notre propre interprétation de ce qui se passe. Nous sommes plongés dans le changement du monde, qui trop longtemps ne donnait lieu qu’à des invocations dont nul ne comprenait le sens profond. Comme il advient périodiquement, une fois par siècle en moyenne, nous devons repenser, réinventer, toutes les formes d’organisation collective. Mais pour la première fois dans un contexte planétaire et discontinu. Envisageons les politiques publiques, de l’agriculture au travail, en passant par le développement régional, l’éducation, le logement, la redistribution, la santé, la sécurité sociale… Autant de facettes d’un même enjeu de modernisation. Elles sont toutes en phase terminale, au-delà de tout espoir de réforme, maintenues sous perfusion par la dette publique, justifiées par une mythique croyance dans le retour du statu quo ante. La plupart des dispositifs obsolètes et coûteux des lendemains de la seconde Guerre mondiale n’ont jamais été revisités, les formatages mentaux et blocages réglementaires qui en découlent restent bien en place. Comment nos concitoyens pourraient-ils subir cette situation autrement que dans l’accablement ? Le plus remarquable, c’est qu’aucune fatalité ne plane sur nous, for l’absence d’imagination et la pusillanimité. Illustrer une telle affirmation est toujours délicat, nous le ferons pourtant, en choisissant le sujet de l’éducation secondaire : qu’il s’agisse des budgets, des programmes, de la situation des établissements, du recrutement des enseignants… la désagrégation ne cesse de se poursuivre ; le seul élément positif qui demeure est la volonté de réussir des élèves, en dépit de l’ennui que leur inspirent le collège et le lycée. Nul ne s’occupe de repenser les formes d’organisation. La dimension prospective des grandes questions actuelles n’a tout simplement pas de place dans la réflexion des responsables et des élus, quel que soit leur bord (à quoi bon la légitimité si elle ne prend pas en charge sa responsabilité essentielle ?). Il serait pourtant bien nécessaire d’associer les Français, dont on méconnaît la maturité, à l’élaboration d’une nouvelle génération de projets et de chantiers fondés sur la référence de l’avenir. Il y a tant à faire ! Au lendemain de la guerre, nos prédécesseurs en avaient conscience. Aujourd’hui, la situation est la même, nos ressources sont bien plus importantes, mais tout se passe comme si nous ne voulions pas savoir. Et pourtant il n’y a pas d’autre moyen de dissiper la morosité, de nous remettre en phase avec un temps que nous n’accompagnons plus. Comme l’a montré l’ouvrage célèbre de Jared Diamond (Collapse, écrit en 2005 et traduit en 2006 sous le titre français : Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie), les sociétés humaines sont périodiquement confrontées à l’alternative entre vivre et mourir. La plupart ont choisi la mort, pour des raisons comparables aux nôtres aujourd’hui. Quelques-unes ont choisi la vie. Ce qui a fait la différence : le courage de dire et d’entreprendre le vrai. Armand Braun |
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Citation
« Au début des années 2000, la vulgarisation, c’était la cerise sur le gâteau. Maintenant, la cerise est devenue le gâteau. »
Jean-Michel Courty, physicien – Le Monde – 28 février 2024
Clin d’oeil
« Les réseaux sociaux utilisent les mêmes artifices pour garder les gens le plus longtemps possible devant leur écran, que la fameuse boîte de Skinner, où des rats appuient frénétiquement sur un levier qui leur apporte aléatoirement une friandise. »
Augustin Lignier, International New York Times, 27 janvier 2024
Rencontre
Le coin du poète
PRINTEMPS
Une tendre buée verte
Mousse sur les rameaux dans les hautes futaies
Le hêtre et le tilleul y respirent en paix
La tiédeur du soleil
Poussés par le vent d’ouest
Les nuages déposent leur précieuse pluie
Sur les bourgeons qui s’ouvrent
Et les troncs reverdis
Tout brille
La canopée se meut en ondulations lentes
La jonquille couvre d’or les feuilles du passé
Jean Recoing