EDITORIAUX 2012

Janvier 2012

Prospective : réussir malgré tout le Grand Paris

Le projet du Grand Paris, à l’initiative de l’Etat et de la Région Ile-de-France, est à juste titre ambitieux et visionnaire. Il fallait effectivement agir à cette échelle pour faire barrage aux menaces qui pèsent sur la région, renouveler des équipements désuets et insuffisants, intégrer l’ensemble des espaces au développement, constituer enfin le bassin d’emploi unique que les Franciliens réclament en vain depuis si longtemps.

Dans le contexte des années passées, ce projet représentait déjà un effort considérable. Aujourd’hui, alors que les budgets publics sont à tous les niveaux absorbés par les dépenses de fonctionnement et le remboursement de la dette, sa mise en œuvre devient incertaine. Déjà, les délais excessifs prévus au départ pour sa réalisation risquent de s’étaler encore… jusque vers le milieu du siècle, c’est-à-dire aux calendes.

Il faut s’obstiner. Ne pas accepter implicitement que se poursuive un statu quo que caractérisent chaque jour un peu plus, dans de vastes pans de l’Ile de France urbanisée, le chômage, la pauvreté, le vieillissement, la dépendance, l’absence d’activité économique.

Mais s’obstiner en s’adaptant, en gagnant l’appui de la société civile en Ile-de-France. Cet appui n’est pas acquis, quoi que disent les sondages, quels que soient les résultats des consultations passées et à venir. Un engagement véritable de la société civile relancerait une dynamique qui s’épuise. Comment ?

En complément de l’immense chantier du métro automatique, le projet actuel du Grand Paris prévoit des contrats de développement territorial. Il faut repenser ces contrats, encore largement virtuels, redéployer une partie des moyens prévus en faveur de la création locale de richesses. Nous avons la chance qu’existent à travers l’Ile de France des personnes qui, par milliers, disposent de talents et de compétences que, faute de moyens et de contacts, elles ne peuvent mettre en œuvre. Permettons-leur de concevoir et d’expérimenter des projets de développement. Elles deviendront les alliées dont le projet du Grand Paris a besoin pour surmonter les formidables obstacles qu’il rencontrera.

Attribuons, dans le cadre de chaque communauté de communes d’Ile-de- France, un budget de dix millions d’euros pour démarrer des projets conçus localement, si possible à visée plus large, évidemment sélectionnés par un jury extérieur à ce territoire. Dix millions d’euros, c’est un montant qui paraîtra trop élevé, les problèmes et les moyens disponibles étant ce qu’ils sont. Il est modeste en regard des budgets prévus au titre des contrats de développement territorial. Sans doute faudra-t-il, en cas de réussite, aller plus loin.

Une telle initiative resterait compatible avec des ressources publiques réduites. Elle créerait e l’activité, ouvrirait des perspectives à des jeunes isolés dans des environnements enclavés que gagne l’engourdissement et à une Ile-de-France exposée au risque d’être dépassée par d’autres régions de France et du monde. Elle serait un facteur de solidarité plus effective entre les 2 millions de Parisiens et les 10 millions d’autres Franciliens. Elle concrétiserait cet engagement de la société civile qui fait aujourd’hui défaut au Grand Paris.

Saurons-nous nous écarter des contraintes administratives et politiques dans lesquelles le projet du Grand Paris est aujourd’hui enserré pour, en lui donnant sa chance, donner aussi sa chance à l’Ile-de-France ? Saurons-nous enfin concrétiser la référence de l’avenir ? Il y aurait grande urgence à le faire.

Armand Braun

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